Les Débutantes

Le prix de l'or

Eugen Jebeleanu

juste prix

Le prix de l’or, avec un si joli titre on s’attendait à un spectacle dénonçant les méfaits de la colonisation, à une diatribe contre le luxe, la mode et la grande joaillerie, à un plaidoyer en faveur de la préservation des forêts amazoniennes. Rien de tout cela. Déjà la dédicace “à mon père” en préambule donne le ton, ce sera intimiste. Et lorsque le metteur en scène déboule au plateau disant “je”, plus le moindre doute, il vient nous parler de sa vie. L’or c’est celui des coupes et médailles qu’il récolte enfant en concourant dans des compétitions de danses sportives. Elles y passent toutes, du tango au Chacha, kitsch à souhait, ce sera un florilège de démonstrations live par deux danseurs qui surgissent régulièrement sur scène en guise d’intermèdes, accordant au récit les pauses nécessaires, l’humour surtout qui permet la confession. Des images d’époque filmées au caméscope par le père complètent le dispositif dédoublant le fils, ce qu’il était, ce qu’il est devenu. Les images de la gloire, une gloire passée, fanée, factice en regard de cette nouvelle mise en lumière sur un plateau lustré comme un miroir doré. Il nous parle des sacrifices, des efforts, des mesquineries, des illusions, des manigances, des bassesses d’un monde d’adultes qui se jouent des enfants, il nous parle de la vanité de ces victoires pour cacher les turpitudes de sa famille : la dépression de son père, les coups portés sur sa mère, son homosexualité. Intimiste on vous a dit. Même si un bord de scène intégré au spectacle vient une fois de plus brouiller les pistes : s’agirait-il d’un spectacle documentaire?

Dans sa forme, le spectacle rappelle le by heart de Tiago Rodrigues : le metteur en scène qui vient parler de lui, de sa famille, cette tentation de produire un spectacle participatif, cette dénonciation des violences et tenter par le geste artistique d’y apporter une réponse… on souhaite à Eugen Jebeleanu le même destin que celui du nouveau directeur du festival d’Avignon, de l’or payé au juste prix. 

Thomas Adam-Garnung

vu à :
Théâtre ouvert, Paris
photographie :
Christophe Raynaud de Lage