rain
Meytal Blanaru
Master Piece.
C’était la proposition à voir aux Plateaux de la Briqueterie cette année. Celle qui surpassait toutes les autres. Pas tant par sa scénographie : plateau nu. Pas tant par sa musique : une boucle qui s’arrêtera avant de repartir comme si de rien n’était. Pas tant par sa danse : assez simple, sans prouesse, joliment interprétée, conformément à ce qu’on est en droit d’attendre. C’est plutôt par son propos et surtout comment elle l’amène et le traite. Un chef d’oeuvre de finesse, humble et simple à la fois. Volontairement, et on le comprend, le programme n’en divulgue pas le sujet : on y parle vaguement d’un souvenir d’enfance, d’identités de genre dont il faudrait s’extirper, de recherche Feldenkrais pour arriver à une écriture chorégraphique. Ça n’a rien d’époustouflant, là encore. Mais c’est parce que tout est déjà là. À partir de rien, de subtiles variations parfois lascives de postures, de mouvements et de gestes, les pieds bien ancrés dans le sol, Meytal Blanaru nous conduit avec elle à ce souvenir. Jusqu’à le revivre devant nous. Comme une boucle névrotique à laquelle la musique donne corps. On ne voit rien venir. Pourtant les deux profils qu’elle dévoile, un coup à gauche, un coup à droite, radicalement différents, auraient dû nous mettre la puce à l’oreille. Et subrepticement la voilà au sol, face contre terre, postérieur en l’air. Dissociation totale du corps qui se laisse faire et de l’interprète qui semble dire stop. Le visage nous regarde, nous assigne à un rôle de témoin, un témoin qui voit mais ne fera rien, convention théâtrale oblige, produisant ici un efficace et approprié sentiment de culpabilité. C’est bien à l’abominable indicible qu’on assiste et nous sommes impuissants. L’interprète se relève, reprend sa danse, seule. La plus belle des résiliences. Et tout ça, avec une infinie pudeur, une grande générosité. Merci.
Thomas Adam-Garnung