La Joie
une création collective des Débutantes
Nous l’appelons de nos vœux, nous la réclamons, c’est un peu une promesse qu’on s’est faite en se réunissant, un horizon qu’on ne voudrait pas trop lointain. On en a même fait notre hymne, histoire que ce soit bien clair. La joie. Et pourtant toujours elle semble retardée ou se dérobe. Parfois même elle se maquille, se grime, se farde, joue des artifices comme un miroir aux alouettes. Si bien qu’on est en droit de se demander si elle est de ce monde et pas seulement un fantasme inaccessible. Que si on a fait tous ces compromis, ça ne peut pas être pour rien. Qu’il ne faut pas renoncer au risque de tout perdre.
Alors Les Débutantes décident de partir à sa recherche, d’explorer toutes les pistes, d’épuiser tous les recours. Entre danse et théâtre, avec la seule poésie des images qu’elles savent composer, elles montent sur un frêle esquif et partent en voyage, une odyssée improbable pour la joie, aux portes de l’Europe et même à travers le vieux continent, celui-là même qui, avant les autres, a accueilli toutes les migrations. Elles ne baisseront pas les bras.
le projet.
En 2018, déjà au Théâtre de l’Opprimé, nous avons créé un spectacle sur le thème de l’engagement, Si quelqu’un regarde. Toute action individuelle nous semblait vouée à l’échec et nous nous demandions alors comment agir, comment faire ensemble face à l’état du monde, face à l’urgence de la situation, sans dogmatisme. Ce fut un beau succès et c’est plein d’espoir que nous sommes partis à Berlin tourner notre nouveau film. Nous y avons fait des rencontres, nous y avons repensé notre manière de travailler et nous avons eu des envies de légèreté. Mais tout se télescopait. Berlin, cette ville en creux, chargée d’histoire, balafrée. Berlin, cette ville cosmopolite, ouverte, libre, où tout semble encore possible et où l’on croise tant de cultures différentes. Berlin, cette capitale de l’Europe qui ne dit pas son nom, à la fois pauvre et gentrifiée, où tout est en fait déjà décidé, là-bas, en haut lieu. L’hymne européen retentissait. Une ode à la joie. Mais où était-elle cette joie ? Avions-nous été dupés encore une fois ? Ou fallait-il continuer à s’armer de patience et d’une foi aveugle ? Nous sommes partis à sa recherche. C’est ce que raconte ce nouveau spectacle. Il a fallu discerner les joies factices des joies éphémères, les joies vaines des joies superficielles, les joies mystiques des joies consuméristes. C’est comme si tout se revendiquait de la joie mais que rien ne l’approchait. Elle se dérobait et se dérobait. S’envoyer en l’air ? Retrouver nos plaisirs d’enfant ? Reproduire ce qui semble fonctionner pour les autres sans trop savoir pourquoi ? Tordre nos désirs dans tous les sens pour s’arranger de la réalité ? Tenter de cohabiter sans même se parler ? S’abrutir de sport à la télévision en se croyant représenté par un petit bonhomme en short ? Se rendre compte que vivre ensemble suppose des règles, oui, mais lesquelles, qui en décident ? Se dire que c’est l’histoire de l’Europe, cette recherche de la joie, que ce devrait être son histoire ? Une histoire faite de murs qui se dressent et de migrations ? Une histoire de gens qui veulent juste vivre mieux ? Qu’est-ce que c’est que la joie finalement ? Est-elle seulement de ce monde ? Nous voulons croire que oui et même que nous y avons droit.